Le Jazz et Paris : petite introduction sur une grande histoire

Si Paris est une ville connue pour ses richesses architecturales et pour avoir été la “Mecque” de l’art au travers les siècles, Paris est aussi connue pour être, d’une certaine façon, la capitale européenne du jazz, ayant servi de muse et de refuge aux plus grands artistes du genre, ayant, elle-même, fourni des grands noms et des standards à la tradition quand elle n’est pas directement nominalement citée lorsqu’est joué “April in Paris”.


La ville lumière est parsemée de temples à la gloire de cette musique américaine.

Si on pense tout de suite aux caves de Saint Germain, notamment au fameu “caveau de la huchette”, où les plus grands sont venus jouer dans les années 40-50 pour le plus grand bonheur des étudiants existentialistes, la rive droite, elle aussi, est riche de haut lieux de cette tradition musicale.

Le Ritz, notamment, qui abrite le bar Hemingway, bien connu et apprécié de la haute bourgeoisie culturelle américaine, ou des grands compositeurs du genre comme Irving Berlin ou Cole Porter on élu résidence dans les année 20 y composent des grands standards du genre, Puttin’ on the Ritz pour Belin par exemple ou “Begin the beguin” pour Cole Porter. Le Ritz ainsi servira de décor à de nombreuses grandes comédies américaines de l'âge d’or des studios américains, avec toujours en bande son indissociable du palace, les grands standards jazz du “great american songbook” qui résonnent en quasi-permanence dans les couloirs de l'hôtel.

Rejoignant Porter et Berlin, l’autre très grand compositeur du jazz, Georges Gershwin aussi prit Paris comme muse, se mêlant aux grands noms artistiques de l’époque comme Maurice Ravel et tirant de son expérience dans la capitale le grand “An American in Paris” symphonie jazz portant toute la trace du génie de son créateur.

Mais au-delà des compositeurs des standards, Paris fut aussi une terre d'accueil pour les grands interprètes qui y trouvent respect et reconnaissance parfois plus que dans leur pays d’origine ou la ségrégation les relégua parfois au statut de citoyens de second ordre en dépit de leurs génies artistiques.

L’exemple le plus emblématique est surement le grand clarinettiste Sidney Bechet, extrêmement populaire auprès des aficionados de jazz parisiens qui le surnommaient “Dieu” et lui offraient une reconnaissance personnelle et pécuniaire qui aurait été impossible dans sa Nouvelle Orléans natale encore sous la ségrégation raciale.

L’osmose entre Bechette et Paris est telle que c’est tout naturellement que lorsque des grands réalisateurs américains veulent représenter la capitale, ils choisissent une oeuvre de son répertoir pour illustrer Paris, ainsi pensons à Woody Allen qui choisit comme ouverture de son “Minuit à Paris”, “Si tu vois ma mère” de Bechette pour peindre l’ambiance Parisienne tout comme il s’était servi de “Rhapsody in Blue” et de Gershwin pour illustrer New York dans son film “Manhattan”.

Mais Bechette n’est pas le seul jazzman qui a choisi Paris comme terre d'accueil artistique, ainsi, Miles Davies, un des plus grand génies du jazz, sera à plusieurs reprises résident parisien, y trouvant l’inspiration l’aidant à développer dans l’atmosphère libérée des divisions raciales, notamment en enregistrant en 57 son album “L'ascenseur pour l'échafaud” qui préfigurera sa nouvelle orientation musicale vers le jazz modal comme sur son magnum opus “Kind of Blue” sorti deux ans plus tard. 

A Paris, loin de la ségrégation, Miles Davies développe même une histoire d’amour restée célèbre avec l’actrice Juliette Gréco avant que la perspective de rentrer dans l’Amérique de Jim Crow n’y mette fin.

Mais le Jazz à Paris n’est pas qu’une affaire d’américains, la ville en elle-même est un des hauts lieux d’expression du genre.

On peut notamment penser au grand guitariste de jazz manouche Django Reinhardt qui y a grandement joué, composé, enregistré et vécu contribuant, de façon unique et sophistiquée, à créer un son jazz typiquement français et parisien reconnaissables entre mille.

Nous pouvons aussi parler de Boris Vian, qui, de façon surréaliste et colorée, a réussi à inscrire ce genre musical américain dans la tradition littéraire française, tout en la pratiquant lui même en tant que joueur de cornet et en diffusant sa critique et son analyse sérieuse via ses fameuses critiques dans le magazine jazz-hot restées célèbres.

Enfin, pensons au Parisien Michel Legrand, apôtre du jazz s'il en est, composant de nombreux standards internationaux, jouant avec Davies, Coltrane, Bill Evans et avec sa bande originale des Demoiselles de Rochefort signant un chef-d'œuvre du jazz intrinsèquement français dans l’esprit. 

C’est cette capacité à Paris, à la fois d’attirer ce que le jazz fait de plus grand, mais aussi de faire naître directement de grandes carrières musicales dans le jazz de français que la ville prit une place si importante dans l’histoire du genre et que de nombreuses chansons françaises traversèrent l’Atlantique pour devenir à leur tour, à l'image des standards de Cole Porter et Georges Gershwin, des blocs fondamentaux de la tradition jazz. 

Pensons aux “feuilles mortes” devenant “the autumn leaves”, repris par tout les plus grands de Sinatra à Chet Baker, à “la vie en rose” que Louis Armstrong, autre grand amateur de Paris, a mythiquement interprété ou encore à “I Wish You Love” qui est en faite “Que reste t’il de nos amours” et qui continu d’être au coeur de la création jazz modern, étant devenue une des chansons signature de Laufey, étoile montante du genre qui transmet le jazz à la nouvelle génération.

De quoi voir Paris avec des yeux nouveaux mais aussi de quoi l'écouter avec des oreilles nouvelles. 


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