Comment Trump gagna le Mandat Céleste
Il y a des élections qui semblent marquer de plus grands tournants que d’autres, bien qu'une tendance au spectaculaire chez l’être humain nous fait souvent dire en hyperbole que toutes sont les plus importantes de nos histoires démocratiques.
Or, celle qui vient de s’achever la nuit du 5 novembre 2024 aux États-unis revêt, par bien des aspects, notamment celui de la guerre culturelle, un caractère peut être plus conséquent encore que celle de 2016 et encore plus que celle de 2020 qui n’aura été finalement qu’une parenthèse de domination démocrate dans ce qui restera finalement bel et bien comme l'ère Trump.
En effet, non seulement depuis Grover Cleveland, aucun président n’avait fait de mandats non-consécutifs mais aussi cela faisait 20 ans qu’un républicain n’avait pas remporté le vote populaire et cela faisait aussi très longtemps que le gouvernement (les deux branches du congrès et la présidence) n’avait pas été unifié sous une même bannière.
Ainsi, sur les réseaux sociaux, il n’est pas rare de voir certains, mi-rieurs mi-sérieux, proclamer que Trump, avec sa survie à des tentatives d’assassinat et l'énergie qu’il semble avoir déployé durant toute la campagne, a reçu le Mandat du Ciel.
Il est intéressant ainsi de constater comment Donald J Trump, face à Kamala Harris qui avait bénéficié à certains moments de grandes avancées dans les sondages, a réussi à emporter une telle victoire.
Une des clefs de la victoire, en Pennsylvanie et en Georgie notamment, fut la mobilisation (le turnout) des jeunes hommes, d’appartenances communautaires diverses, le jour de l’élection après une campagne réussie d’early voting qui, d’habitude, est plus une force des démocrates.
L’avancée constante de Trump chez les Latinos et chez les Afro-américains, grâce aux questions d’économie, a ainsi été significative pour gagner sur les points d’avance des démocrates en 2020.
Les jeunes hommes blancs, quant à eux, lui ont toujours été acquis (la campagne d’Harris a d’ailleurs essayé, de façon analogue à Donald Trump envers les hommes issus des minorités, de séduire maladroitement cet électorat) mais là où la campagne de 2024 brille par rapport à celle de 2020, et même de 2016, fut dans la capacité à les mobiliser en masse. Non seulement, et nous le verrons plus en détail, par le retour de la magie mémétique qui caractérise la politique de Trump mais aussi par une nouvelle stratégie de communication, que l'on dit pensée par son jeune fils Baron, de parler directement à cet électorat au cours de longs podcasts de plusieurs heures non-scriptés (là où Kamala, même dans des apparences similaires, est restée plus conscrite) notamment avec le fameux Joe Rogan, Experience Podcast, à quelques jours seulement des élections et que Kamala Harris avait au contraire boudé.
Son apparition qui fut suivie (en plus de celle de John Fetterman, sénateur montant de la Pennsylvanie pour le camp démocrate, en lieu et place de la vice présidente Harris) de celle de JD Vance, son colistier, et d’Elon Musk, nouvelle figure salvatrice de la droite américaine, et qui finalement amena le très populaire présentateur à apporter son soutien à l’ancien président, fut finalement un moment clef de la campagne plus qu’aucune autre apparition médiatique, y compris le débat oubliable face à son adversaire démocrate (mis de côté celui face à Biden qui entraîna le retrait de la course du président).
Au-delà des podcasts, la présence, voire l’omniprésence, même d’Elon Musk durant la campagne fut aussi un très grand atout dans cette mobilisation des jeunes hommes. Promettant des rêve de conquête des étoiles, de société robotique et affichant une conviction fièrement libertarienne, notamment avec la promesse de créer au sein de l’administration Trump-Vance un DOGE, department of government efficiency, qui non seulement connaît les codes de la masculinité moderne des réseaux sociaux (en témoignent les nombreux “édits” qu’il a postés sur son compte) mais aussi en est un acteur majeur en possédant X, anciennement Twitter, sur lequel les discussions politiques ont lieu et sur lequel il a décidé de faire régner une liberté d’expression et d’information totale.
Le monde de la Cryptomonnaie, qu’a soutenu Musk et que Trump a annoncé vouloir protéger des velléités de taxation de Kamala, a aussi participé à ce turnover aussi via la mobilisation sur X.
Le choix de J.D Vance comme colistier s’avéra aussi un choix conséquent, notamment quand on le compare avec Mike Pence, qui représente l’arrière-garde évangéliste et néoconservatrice, boomeuse du GOP, qui s'allie peu à la nature populiste, libertarienne et conservatrice du mouvement MAGA, et dont l’électorat était déjà acquis à Trump.
J.D Vance, quant à lui, était plus jeune, catholique converti, dont la femme est hindoue pratiquante (participant donc à la grande coalition communautaire qu’entendait et qu’a réussi à créer Trump) et a fait preuve, en dépit des critiques ardentes et parfois injustes (le “weird” asséné en boucle par les démocrates pour critiquer les convictions conservatrices de Vance), d’un esprit combatif exceptionnel notamment dans ses interventions face aux représentants des médias traditionnels souvent hostiles comme CNN ou le New York Times.
Le profil de Vance est aussi plus intellectuel que celui de Pence, s'inscrivant dans le courant politique catholique du Post libéralisme dont il est proche des penseurs influents, mais aussi de par son parcours inspirant et exemplaire, étant passé d’une enfance de misère entre Ohio et Kentucky dans la communauté Hillbilly à Yale et à la Silicone Valley.
Beaucoup espèrent ainsi que le dorénavant vice-président Vance sera celui qui portera la flamme du mouvement MAGA et continuera, de façon plus fine et mesurée, l'œuvre de Donald Trump (avant que Baron ne prenne le relais suivant certains).
Pas tout ne fut néanmoins que de la communication dans la victoire de Donald Trump, la partie programmatique a beaucoup joué.
Le rejet de l’héritage économique de Biden, la promesse de la fin de nombreuses taxes, les discours optimistes sur les capacités de l’Amérique quant à l’industrie (que Musk illustre), tout cela a joué en dépit d’une tentative de cadrage de la part des démocrates, et de leur alliés des médias, de jouer l’élection sur le thème de l’avortement (et sur une prétendue menace fasciste) au point que même CNN parle de la naissance de Trump Democrate tout comme il y eut des Reagan Democrate en son temps.
Le ralliement de Kennedy Jr, neveu du grand président et fils du légendaire Bobby Kennedy, dont la vie a été fauchée avant de pouvoir accomplir son destin présidentiel, a aussi joué très gros, étant donné que Kennedy avait était annoncé comme pouvant devenir le plus important candidat Third Party depuis Ross Perot et aussi car il avait pour lui, outre un héritage très important auprès de certain démocrates et indépendants, aussi un discours fort et porteur sur la santé et l’écologie qui ne furent pas forcément des thèmes classiques de campagne de Trump et des républicains.
Avec le soutien de Robert Kennedy Jr, Trump réalisa de nombreux progrès dans des électorats nouveaux comme les natifs américains auprès de qui il réalisa ses meilleurs scores en proportion démographique.
Les propositions innovantes de Kennedy ont aussi aidé à redonner un coup d'accélérateur à la campagne au niveau propositionnel.
Ainsi, le slogan Make America Healthy Again joua grandement dans l’ouverture de la base des républicains à certains démocrates, tout comme le ralliement de Tuslie Gabbar, ancienne représentante d'Hawaï, très populaire chez les indépendants et républicains modérés, qui avait défait Harris dans la primaire démocrate précédente.
C’est ainsi que, outre le basculement au profit de Trump et du GOP de nombreux swings states, on a pu voir poindre la naissance de nouveaux champs de bataille comme le New Jersey qui, s’il a rejoint le camp Harris, montre du fait de la mobilisation des Juifs et des Latinos pour Trump, la possibilité de basculer en état rouge en 2028.
Il y a eu jusqu'à une bascule à Porto Rico, pourtant habituellement bleue, en faveur de Trump alors même qu’une polémique liée à une blague douteuse d’un comédien sur l'île durant le grand meeting de Donald Trump au Madison Square Garden avait été lancé par les démocrates (au point que Biden avait commis l’erreur sûrement fatale de qualifier les républicains “d’ordures”).
Néanmoins, il est tout de même important de revenir sur la campagne d’Harris qui a commis un certain nombre d'erreurs.
Ainsi focalisée sur la question de l’avortement n’a pas pris, la suppression de Roe V Wade par l’héritage judiciaire de Trump qui a rendu les questions liées à l’avortement aux affaires des états ne semblait pas être auprès du public général préoccupé par l’inflation, l’alfa et l’omega des élections, comme ce fut le cas pour les apparatchiks et les activistes du parti démocrate qui ont pourtant relayé le messages au travers des célébrités.
Célébrités qui d’ailleurs, comme en 2016, ont eu une place beaucoup trop grande en dépit de l'intérêt réel que cela occupait dans l'esprit des américains.
Ainsi Taylor Swift ne fut pas l’arme secrète du DNC comme espéré et les meetings “concert” de Beyoncé n'ont pas su créer le moment d’autant plus, qu'à côté de cela, Harris livrait le plus souvent des discours creux qualifiés de “word salade” fondés sur des idées vagues d’espoir et de mobilisation, plus que d’actions concrètes qui auraient été compliquées à défendre alors que celle-ci était encore au pouvoir au moment des élections en tant que Vice présidente.
La promesse de paix dans le monde avancée par Trump, fort de ses succès en Corée et au Moyen-Orient, de la destabilisation de cette region et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sous Biden, a joué aussi, ainsi, le débat semblait être entre pouvoir avoir un panier de course abordable avec Trump ou la guerre, la crise économique, mais l’avortement avec Harris qui était connectée aux américains les plus riches et influents, tandis que Trump, en dépit de son statut de milliardaire et de ses accointances avec l’Homme le plus riche du monde, semblait, lui, a contrario, proche du peuple car parlant avec lui du prix des oeufs et de l’essence et car les américains se souvenaient de ses succès économiques pré covid.
Aussi le choix de Tim Walz, gouverneur du Minesotta, en tant que colistier de Harris s’avéra désastreux, en dépit de sa popularité dans le camp progressiste, de par son programme d’aide alimentaire pour les enfants.
Voulant jouer sur son appartenance au Midwest et son soi-disant passé de coach de football pour attirer le public masculin, cela manqua sa cible complètement du fait de ses mimiques moquées, de sa façon de se présenter comme un homme qui se met en retrait, de son engagement très fort en soutien à la cause LGBTQIA+ et enfin de sa non-maîtrise du vocabulaire footballistique en dépit d’une utilisation abondante, kitch et forcée, qui entraîna les railleries des passionnés de ce sport.
À l’inverse de Vance, avec son bagage personnel compliqué dans les Appalaches, qui en parlant de jeux vidéo, de mountain dew, de carte magique, et en racontant des histoires touchantes avec ses enfants, à su rallier plus que jamais les jeunes hommes dont il semblait afficher toutes les apparences du millénial typique.
Le choix pour les démocrates pour gagner la Pennsylvanie et toucher un public masculin de Josh Shapiro ou, même, en un sens de John Fetterman malgré ses problèmes de santé et son amitié pour Israël qui lui vaut l'inimitié de l’aile gauche du parti, aurait pu s'avérer plus profitable au ticket démocrate que le “coach” Waltz.
S'ils ont tenté en vain de faire passer J.D Vance et Trump pour “weird” du fait de leur orientation conservatrice, le fait est que c'est finalement les “Whites Dudes for Harris” qui devinrent les objets de toutes les blagues comme celle de Donald Trump lui-même disant que s'ils votent pour Harris, “leurs femmes et les petits amis de leurs femmes”, eux, votent pour lui (reprenant une blague très en vogue sur X) lors du dîner de charité d'Al Smith que Harris decida de bouder (quand bien même la dernière fois qu'un candidat manqua ce grand rendez vous de la communauté catholique, cela fut suivi par une des plus grandes défaites démocrates face à Reagan).
Les démocrates ont aussi durant tout la campagne, agité l'inquiétude sur un prétendu “Projet 2025” prêté au Républicains mais pourtant non reconnu, voire dénoncé par eux, leur empêchant finalement par là de s'atteler à une véritable discussion de fond programmatiques au profit de luttes contre un épouvantail imaginaire.
Inquiétude et mise en avant d'autant plus vaine que Trump lui même s'est declaré opposé à une interdiction fédérale de l'avortement, provoquant même de ce fait une défection d'une partie de l'electorat anti avortement, qui ne lui a pourtant pas manqué, à lui qui pourtant avait réussi à permettre la fin de Roe v Wade permettant par là de permettre un encadrement restrictif de la pratique au niveau des etats qui le souhaitaient, et ceux face à une Kamala qui souhaitéait au contraire créer une législation fédérale pour sanctuariser le droit à l'avortement qu'elle et les democrates percevaient comme en danger.
Il est a noté, au final, que, contre toute attente et en dépit du grand turnout des hommes, Donald Trump a réalisé ses plus grands scores parmi les femmes qui semblent ainsi rester insensibles aux cris d'alarme des démocrates sur une possible réduction de leurs droits.
Il est clair aussi que ce choix d'hyper-focalisation de la campagne n'a pas contribué à mitiger l'aliénation entre les jeunes hommes non concernés par ces questions et le parti démocrate.
La campagne Harris aussi, au-delà de ces considérations, fut aussi marqué par un retrait volontaire de la candidate du circuit des interviews et des interventions, y compris auprès de media amis, ainsi, on se remémore le communiqué du Time déplorant l'absence d'Harris dans ses colonnes, provoquant ainsi peut être plus de confusion communicationnelles pour l'électorat qui n'a pas aidé à atteindre un nouveau public comme la stratégie des podcasts a pu marcher pour le GOP.
Il est ainsi facile de faire des parallèles entre la campagne de Clinton de 2016 et celle de Kamala Harris en 2024 avec, pour exeption, le fait que Harris, en dépit des média qui le firent pour elle, joua peu, voire pas, la carte de la femme présidente.
Ainsi la campagne d’Harris, comme celle de Clinton, fut une campagne alimentée sur le Star power, ayant pour axe des politiques communautaires liées aux droits des minorités et qui s’est effondrée dans la Rust belt qu’a suivi un silence lourd et pesant dans la défaite.
Il est même facile de faire des comparaisons entre le “garbage” qu’a employé Biden pour décrire les supporters de Trump et le “Basket of déplorable” de Clinton..
Il y a jusqu'à l'anniversaire en octobre, ponctué d’un tweet porteur de signe néfaste disant “Happy Birthday to this future president”, pour achever un parallélisme troublant.
Mais plus qu’une défaite d’Harris, c’est bien un triomphe de Trump qui a réclamé son dû au mandat du ciel qui s’est exprimé dans une campagne extrêmement riche en moments forts et propices à des mêmes. Il en est jusqu’au jour même de l’election où Moo Deng, le petit hippopotame mignon du Zoo de Thailande, qui fit sensation sur internet, qui choisi de manger le plat représentant la victoire de Trump comme un signe qui suivi la mobilisation autour de l’euthanasie par l’administration démocrate New Yorkaise de l’écureuil Peanut et du raton laveur Fred que les républicains appelèrent à venger.
Avant cela, il y eu l'apparition au volant d’un camion poubelle pour critiquer la rhétorique de Biden, portant un gilet orange de travailleur pendant son meeting, il y eu le passage au McDonald où il servit des frites et où, quelques jours après, l’entreprise annonça qu’elle était maintenant enfin en mesure de faire réparer leur machine à faire des glaces comme si, par sa seule présence, Trump avait guéri la firme des écrouelles.
Se montrant proche des classes laborieuses, il en reste pas moins lui-même et garde sous l’uniforme, sa chemise et sa cravate rouge, accomplissant la tâche sans moquerie ni compassion et toujours pour aller là où les démocrates refusent d'aller.
Par ces événements de campagne, Trump parvient à mettre la lumière sur lui, mais, au-delà de cela, c’est peut être la tentative d’assassinat en direct à la télévision qui assura pour beaucoup de monde que sa réélection était inéluctable.
Dans sa carrière dans les affaires, Trump a toujours su rebondir après un échec et cette tentative de retour politique semblait ainsi entrer dans cette magie du comeback qui l’avait toujours touchée.
Lorsqu’en direct, face au caméra, il tourna la tête, laissant une balle effleurer son oreille et se relevant toujours plus combatif en rassurant ses fidèles d’un point levé en scandant “fight fight fight”, il avait ainsi montré que, même après une balle, même face à la mort, il se relèverait.
La photo qui immortalisa cet instant devient immédiatement la seule image de la campagne (quand bien même il avait déjà marqué les esprits de son mugshot et qu’il les marquera de sa livraison de commande McDonald).
A partir de là, ni procès, ni débat, ni média, ni le budget colossal de campagne des démocrates ne pouvaient l'arrêter, c’est d'ailleurs ça aussi qui contribua au retrait de Biden.
Trump était devenu inarrêtable, le 6 janvier 2020 en a été complètement oublié, de même que toute les polémiques (aidé en cela par une plus grande maîtrise de son ton taquin sur les réseaux sociaux qui l'ont fait gagné la primaire de 2016 et qui, ici, en étant plus restreint ont pu protéger son image de plus de polémiques), c’est bien à Butler, Pennsylvania, en dépit de tous les sondages, que Trump devint le 47ème président des Etats-Unis d’Amérique et qu’il montra qu’il avait gagné définitivement le Mandat du Ciel.
Avec une aussi claire victoire et avec en main toutes les branches du gouvernement, l'avenir semble indiquer que la guerre culturelle vient de se voir amener à un nouveau point par cette victoire décisive du clan conservateur.
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