René Cassin : courte biographie d’une grande figure du droit français et universel du XXième siècle

 Parmi les grands dignitaires que l’Histoire feint d’avoir oubliés, après avoir exploré la figure d’Adolphe Landry, un autre grand personnage qui mériterait d'habiter à nouveau plus amplement notre conscience collective m’est revenu en tête : René Cassin.

Si, pour être tout à fait honnête, ce personnage fut moins oublié que notre ami Adolphe Landry, l’odonymie ayant été généreuse envers René Cassin, l’enseignement et les académies ont su honorer sa mémoire par de nombreux baptêmes de prix, de bourses et d’établissement scolaires, le fait est tout de même qu’avant d’en avoir entendu parlé en tant que “l’iIlustre fondateur de l’ILERI”, je ne l'avais pas croisé au cours de mes nombreuses heures de pérégrinations encyclopédiques, ou tout du moins, au cours de telles recherches, son illustre nom n’avait pas imprimé ma mémoire. 

Figure pouvant être considérablement rassembleuse, pouvant tant plaire à la droite pour son patriotisme et son amour sans faille de la France ainsi que par son ralliement de très bonne heure au Général De Gaulle, qu’à la gauche, pour son engagement et son héritage extrêmement forts dans la défense, la promotion et l’application des droits de l’homme et du principe républicain d’égalité, mais aussi plaire au centre pour sa vision d’une démocratie fondée sur le respect du droit et pour son apport précieux à la construction juridique européenne, presque digne de le voir rejoindre le collège des pères de l’Europe, et même aux régionalistes pour son aptitude à relier le particulier et le local à la nation et à l’universel et pour les avancées, dont il fut l’artisan, en matière de défense des droits des minorités linguistiques.

Il y a tout dans le parcours, l’héritage et la personnalité de René Cassin qui justifierait de lui garder une place toute particulière dans nos mémoires, place qu’il aurait naturellement pu et dû occuper mais que, son caractère doux et discret a possiblement, par rapport à d’autres figures peut-être moins notables, empêché de remplir à sa hauteur dans le paysage médiatique et les pages des manuels d’Histoire.

Compagnon de la Libération dès le 1er Août 1941, Prix Nobel de la Paix en 1968, Panthéonisé en 1987, tant de marques honorifiques auraient dû attirer mon attention, celle des média et du grand public, pourtant ses actes et ses œuvres, encore plus que de telles marques de gloire, méritent d'habiter nos mémoires.

Né à Bayonne le 5 octobre 1887 et mort à Paris le 20 février 1976, la vie de René Cassin est riche en combats pour les droits, la justice universelle et aussi pour la France. 

De confession juive (il exercera d’ailleurs sur nomination du Général De Gaulle des fonctions importantes auprès de l’organisation du judaïsme en tant que président de l’Alliance Israélite Universelle entre 1943 et 1976), l’affaire Dreyfus est un moment très important pour son engagement et dans la construction de son sens ardent du patriotisme. Voir à quel point tant de français ne partageant pas sa religion étaient prêts, au nom de la défense des valeurs de 1789, à s’engager pour la défense de leur compatriote juif, n’a fait que de rajouter à son amour de la terre de France dans lequel il avait grandi.

Ainsi, il avait la conviction que celle-ci avait aussi un puissant rôle à jouer dans la défense de valeurs qui sont à la fois universelles mais aussi particulières à ce pays. 

Ce patriotisme sans faille, René Cassin l’exprimera tout au long de sa vie. 

Ainsi, il fut un combattant de la Grande Guerre, s’illustrant par son ardeur et son courage, mais revenant gravement blessé au dos, il sera aussi décoré de la Croix de Guerre avec citation et de la Médaille Militaire. 

Après la guerre, il continua de servir son pays via la création d’une union d'anciens combattants, en tant que professeur puis en tant que membre de la délégation française auprès de la jeune Société des Nations. 

Dans son engagement pour les anciens combattants, René Cassin a réussi à efficacement permettre la mise en oeuvre de grandes mesures pour accompagner les anciens combattants de la Grande Guerre, pour lesquels il deviendra un des portes paroles les plus influents, notamment de la création du droit de réparation dont il est un des co auteur du texte, mais aussi, plus directement, il sera l'artisan dans la création de la carte d’ancien combattant et de l’Office National des Combattants et Victimes de Guerre ainsi que l’obtention d’une meilleur retraite pour les combattants. 

René Cassin est politiquement proche du parti radical, on lui proposera d'ailleurs un poste de ministre lié à ses occupations auprès des anciens combattants qu’il refusera, mais sera malheureux dans les élections auxquelles il se présentera, n’étant finalement jamais élu que ce soit aux cantonales à Antibes en 1928 et voyant même sa candidature écartée par le parti radical à Albertville en 1932.

Sa carrière de diplomate et de juriste fut ainsi plus notable que sa carrière politique durant l’entre deux guerres en tant que représentant principal de la France auprès de la Société des Nations à Genève au sein de laquelle il sent déjà venir une nouvelle guerre, alertant le public français sur la montée des tensions en Europe comme en Asie. 

Si, dans un premier temps, il plaide pour un apaisement avec l’Allemagne défaite, il s’oppose radicalement aux accords de Munich ce qui le pousse à démissionner de son poste de représentant de la France auprès de la bientôt obsolète Société des Nations.

A la défaite en 1940, René Cassin rejoint immédiatement le Général de Gaulle et la France Libre à Londres, ce, dès le 17 juin, ayant entendu parler du projet du Général De Gaulle avant même l’appel du 18 juin. 

René Cassin s’illustrera aussi dans cette guerre, au sein de la France Libre, usant du droit comme arme au service de la légitimité juridique et morale du gouvernement français en exil, dont il sera une sorte de “ministre de la justice” et le principal rédacteur des différents statuts, face au régime de Vichy qu’il démontrera comme étant nul et non avenu en droit, acte clef pour la restauration de la république et la sauvegarde de la souveraineté française ainsi que pour la reconnaissance par les alliés du gouvernement gaulliste au détriment de celui de Pétain que les américains courtisaient notamment en Algérie. 

René Cassin fut une ressource particulièrement importante pour la France Libre au sein du Conseil de Défense de l’Empire puis du Comité National Français auquel il offre toute son expertise juridique afin de faire valoir la voix de la France qui a refusé de capituler. 

Son rôle restera important aussi durant le gouvernement provisoire au sein duquel il révisera les divers textes, lois et ordonnances de Vichy, permettant ainsi notamment de redonner au français juifs tous leurs droits de citoyen.

Pour son service rendu à la France durant cette deuxième guerre, le Général De Gaulle lui remet la médaille de l’ordre de la Libération, dont il est, en tant que résistant de la première heure, dès août 1941, un des premiers récipiendaires. C’est d’ailleurs lui qui orientera le nom de cet ordre vers celui des Compagnons de la Libération plutôt que vers le choix initial du Général:  Croisés de la Libération. Il recevra aussi la médaille de la résistance française en 1947.

Après la deuxième guerre mondiale, le parcours de René Cassin est tout aussi notable, il serait même difficile de résumer toutes les fonctions qu’il a pu exercer au service du droit et de la diplomatie française et internationale.

Néanmoins, parmi ses grands faits d’arme du temps de paix, on ne peut s'empêcher d'évoquer son rôle instrumental dans la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qu’il baptise lui-même du qualificatif d’universel. 

C’est d'ailleurs consécutivement à cela qu’il fonda l’ILERI (entre autres nombreux instituts qu’il a fondés et présidés dans l'après-guerre ayant pour objet les droits de l’homme, le droit international et la diplomatie).

René Cassin eut aussi une grande carrière européenne. 

Ainsi, il fut l’architecte de la Convention européenne des droits de l’homme, il présida d'ailleurs la Cour européenne des droits de l’homme entre 1965 et 1968 après y avoir été juge. 

Nous pouvons aussi citer dans son héritage européen, la Convention sur la protection des langues régionales, aujourd’hui précieuses pour tout contrebalancer par l’Europe, la législation jacobine française souvent hostile à ce patrimoine linguistique, nouvelle preuve que le patriotisme sans faille de René Cassin était un patriotisme qui embrassait et protégeait au sein de la France les particularismes plutôt que de chercher à les écraser.

Il œuvra aussi évidemment beaucoup pour le droit français en sa qualité de président et de membre de nombreuses institutions de la République en plus de ses qualités de professeur et de fondateur d’écoles et d’instituts. 

Il fut ainsi président de Conseil Constitutionnel en 1958 et fut de ce fait celui qui proclama officiellement l'élection du Général De Gaulle lors de son retour aux affaires qui prêtera serment devant lui. 

Il recevra ainsi encore une grande distinction de la main du Général: la Légion d’honneur en qualité de Grand-Croix en 1959.

Il fut, en outre, de 1944 à 1960, vice-président du Conseil d'État et membre du Conseil Constitutionnel à la suite jusqu’en 1971, venant ainsi compléter de leurs prestiges une carrière déjà longue et riche.

Enfin, il est important de revenir sur son prix Nobel de la paix en 1968, venant reconnaître tout son héritage au service des droits de l’Homme qui furent durant toute sa vie et sa carrière, une de ses sources principales d’engagement.

René Cassin meurt à l'âge de 88 ans en 1976 et son héritage reste encore très important aujourd’hui bien que sa place dans l’inconscient collectif, mis à part chez une élite cultivée, ne soit pas à la hauteur de son mérite et de ses engagements.

Son parcours illustre la force de l’engagement, le lien entre patriotisme, particularisme et universel, l’importance du droit pour toute société démocratique ainsi que la valeur de la paix quand on connaît la guerre et la nécessité du courage, lorsque la guerre devient inévitable moralement, tout en gardant confiance en l’avenir.



Sources : 

https://www.cairn.info/revue-archives-juives1-2007-2-page-100.htm

http://classiques.uqac.ca/contemporains/Cassin_Rene/Un_coup_d_Etat_1/Un_coup_d_Etat_1_texte.html

https://www.revuedesdeuxmondes.fr/article-revue/rene-cassin-3/

https://www.union-federale.com/hommage-a-rene-cassin/

https://www.lhistoire.fr/ren%C3%A9-cassin-linconnu-du-panth%C3%A9on

https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/cv_cassin_fra

https://www.ordredelaliberation.fr/fr/compagnons/rene-cassin

https://www.nobelprize.org/prizes/peace/1968/cassin/26132-rene-cassin-conference-nobel/

https://www.ileri.fr/ecole/histoire

https://sites.ina.fr/nobel-de-la-paix/focus/chapitre/4https

https://francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/82611727

https://www.lhistoire.fr/ren%C3%A9-cassin-linconnu-du-panth%C3%A9on

https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/colloques-et-conferences/rene-cassin-et-les-debuts-de-l-ecole-nationale-d-administration

https://www.conseil-etat.fr/qui-sommes-nous/le-conseil-d-etat/organisation/le-vice-president-du-conseil-d-etat/rene-cassin

https://www.conseil-constitutionnel.fr/membres/rene-cassin

https://iidh.org/

https://www.charles-de-gaulle.org/lhomme/biographies/rene-cassin/

https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Ren%C3%A9_Cassin/112002

https://www.clg-rene-cassin.ac-nice.fr/qui-etait-rene-cassin/

https://www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr/ui/notice/68779

https://www.universalis.fr/encyclopedie/rene-cassin/

https://www.aiu.org/fr/ren%C3%A9-cassin-0

https://www.aiu.org/fr/ren%C3%A9-cassin-40-ans-apr%C3%A8s

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Cassin



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