Critique : Dune partie 2

Ce film n'est pas mauvais, loin de là, néanmoins, je ne partage pas l'enthousiasme extrême de nombreux critiques concernant cette deuxième partie de Dune. Certains choix éditoriaux de l'adaptation et de la mise en scène m'ont même plutôt déplu.

Si les effets spéciaux restent très bons et qu'il y a des réussites artistiques dans ce volet
(notamment les passages sur Geti Prime ou encore certaines plans d'Arrakis au début dans une séquence d'ouvertures aux teinte orangées impressionnante qui disparaissent malheureusement bien vite), le film n'est pas aussi visuellement dépaysant et réussi que le premier. Il y a une inspiration moindre.

Le sentiment d'être dans un univers complètement exotique et nouveau, aux règles froides et mystérieuses, très réussi dans la première partie, est ici absent, ou tout du moins amoindri.

Les acteurs, s'ils sont bons, méritent une mention spéciale : Javier Bardem et même Timothée Chalamet. Toutefois, leurs dialogues sont très plats et contemporains, à base de "Are you Ok ?" et autres niaiseries. On peut ne pas apprécier le côté kitsch et théâtral de la science-fiction, comme dans "La Colère de Khan", "La Revanche des Sith" ou même le "Dune" de 1984, mais là, à part peut-être la scène où Paul Atréides se fait déclarer le Lisan Al Gaïb, on est à deux doigts d'entrer dans le territoire du cinéma européen en termes de froideur, d'absence d'émotion, de platitude et de chuchotage. De plus, si certaines additions au casting sont très bonnes, comme Austin Butler en Feyd-Rautha ou Léa Seydoux en Bene Gesserit, d'autres franchement, je m'interroge, notamment Florence Pugh, qui fait très contemporaine et qui, je trouve, ne colle pas du tout au personnage de la princesse Irulan.

Ce chuchotement, ce pseudo-naturalisme froid, ce refus de tout théâtral et de mettre l'Opéra au cœur du Space-Opera, participent aussi au plus gros défaut du film, procédant ainsi d'un choix éditorial d'adaptation discutable, qui est l'absence ou tout du moins la diminution de l'épique. Beaucoup le comparent au "Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours", mais vraiment, je n'ai pas ressenti le moindre frisson qui puisse me rappeler les discours de Théoden du Rohan, ni je n'ai vu dans la mise en scène quel passage aurait dû incarner un tel moment. Et ce n'est pas de la faute du matériel originel, normalement cette deuxième partie du livre 1 de Dune est censée être l'ascension de Paul Mua'dib, c'est un choix délibéré de mise en scène.

La prophétie est déjà remise en question, le rôle néfaste que peut avoir la guerre sainte et le Lisan al gaîbe est bien montré, en témoignent les changements dans le personnage de Chani, passant d'ardente supportrice fremen à une adolescente athée puis à une critique et une sceptique de Paul, de façon plutôt convaincante par Zendaya d'ailleurs, changeant complètement son arc de personnage afin de mettre en avant l'aspect moralement ambigu de la guerre des fremen et de la manipulation qu'est la prophétie. Cette remise en question est au cœur de Dune, néanmoins, elle apparaît explicitement dans le deuxième volume et reste implicite dans le premier qui, justement, montre l'aspect grisant que peut revêtir une prophétie et un leader charismatique sur les foules. Hors, là, Denis Villeneuve ne nous laisse pas embarquer dans cette épopée et nous dit déjà que tout ça, c'est du cinéma cynique avant même que l'on puisse se laisser berner.

On se demande quels thèmes seront abordés dans le troisième film étant donné que les thèmes des deux premières suites de Dune ont déjà été vidés et mis dans celui-là, sans d'ailleurs nous donner la pleine satisfaction épique de l'arc du héros campbellien qui est nécessaire à sa critique dans le livre de Herbert.

Ici, Villeneuve fait la critique de l'épopée et du héros sans nous présenter ni épopée ni héros, mais seulement des personnages froids dans un monde froid. Cette partie de Dune est censée se finir sur un climax aux proportions galactiques, mais là, si tous les éléments sont factuellement présents, tout se finit sur une fin encore plus plate que celle de la partie un. D'autant plus que l'enchaînement menant à l'affrontement final est mal expliqué au spectateur non versé dans l'Histoire de Dune et que tout peut sembler aussi banal que les attaques de récolte d'épice qui sont présentes durant tout le film. D'autant plus que j'ai été très déçu du retardement de l'arrivée du personnage d'Alia qui normalement est clé à cette fin et qui ici est tout bonnement effacé. C'était l'un de mes personnages préférés et l'un des plus intéressants, le fait de l'avoir gommé risque de poser pour la suite des problèmes d'adaptation, de même que cela déséquilibre la fin et enlève de son aspect si spécial, notamment en ce qui concerne les considérations mystiques de Dune qui, lorsqu'elles ne sont pas enlevées ou de façon aussi prématurée remises en cause, sont très mitigées et mises en arrière-plan, y compris par rapport au premier volet.

La musique participe aussi à cette froideur. Si je n'ai jamais été un fan de Hans Zimmer, quel que soit le film, au moins dans le volet précédent, il arrivait efficacement à donner vie par le son à l'univers de Dune. Je me rappelle encore des chants de gorges mongols modifiés électroniquement dans la superbe scène d'introduction des Sardaukar. Mais là, il n'y a rien de tout ça, on est vraiment juste sur du Hans Zimmer banal et franchement, la musique du vieux Dune de David Lynch était plus épique, et pourtant, c'était Toto qui l'avait faite. La musique générique et bas volume, (bien que le mixage et la réalisation sonore soient très particulièrement à noter) me faisaient vraiment regretter le vieux thème de Dune, notamment pendant les scènes de chevauchée des vers des sables.

Je n'ai pas détesté pourtant, n'allez pas croire que ces critiques et cette remise en cause des choix artistiques signifient que ce film est mauvais. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de penser que, outre le fait que cette partie soit moins bonne que le premier, le travail d'adaptation n'est finalement pas aussi réussi que cela et que si l'aspect froid et "naturaliste" fonctionnait dans le premier volet, l'approche critique ajoutée ici et l'absence d'épique là où il devait y en avoir rendent ce choix de réalisation particulièrement irritant, d'autant plus quand on connaît le matériel original (ce qui fait craindre pour la suite étant donné le choix des thèmes et de leur utilisation) et que l'on aime l'aspect grandiose et théâtral normalement synonyme de science-fiction et de space-opéra shakespearien et campbellien, comme devrait l'être Dune, qui est toujours vu comme le "Star Wars pour adulte", étant lui-même une source d'inspiration pour Lucas.

En définitive, en dépit de ses défauts, je reste fidèle au Dune de 1984 qui a plus de souffle, plus de folie, plus de kitsch et de théâtralité, plus de mysticisme, et surtout, en dépit de nombreuses critiques faisables aussi quant à son adaptation, plus de Dune.

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