Le Bolivarisme Venezuélien : le fondement idéologique de la dictature maduriste
Socialiste et révolutionnaire, l’idéologie de Nicolas Maduro, héritier de Hugo Chavez et se revendiquant toujours de Simon Bolivar, est néanmoins différente de celle d'autres dictatures d'extrême gauche qui occupent les pages de nos livres d’Histoire.
Le fait qu’une dictature idéologique refasse parler d’elle dans l'actualité peut paraître étonnant tant ce concept renvoie à la guerre froide plus qu'à notre complexe monde fracturé.
Si l'on retrouve dans l’idéologie vénézuélienne certaines considérations que l’on retrouve aussi dans les idéologies d’autres régimes socialistes, le Vénézuela actuel est aussi teinté de traits purement locaux qui se retrouvent dans l’invocation constante de la figure du Libertador Simon Bolivar venant constituer un substrat purement vénézuelien sur une base socialiste altermondialiste.
Simon Bolivar fait partie des grands personnages de l’Histoire, comparé souvent à Napoléon ou Georges Washington dont il serait le pendant sud américain, combinant vision libérale et patriotique, a une carrière militaire et révolutionnaire brillante lui conférant un charisme capable de s'imposer dans les tumultes du XIXème siècle et ses révolutions nationales romantiques.
Inspirant tant des héritiers à gauche qu'à droite, son legs politique est tel qu’il est la figure la plus importante de l’histoire sud-américaine (particulièrement au nord du continent où il gouverna) au point qu’il fut surnommée le “Libertador” en contraste au “Conquistador” qui placèrent l’Amérique du Sud dans le giron espagnol.
Durant la Guerre d’Espagne en Europe, le changement de direction à la tête de l’Espagne bouleverse radicalement les équilibres dans leurs colonies américaines.
Ainsi Simon Bolivar s’illustra initialement en 1810 dans la guerre d’indépendance du Venezuela qui vit, au terme de nombreuses années de tumultes et de retournements de situations politiques, ouvrir la voie à la fin des liens coloniaux entre la péninsule ibérique et les pays d’amérique hispanique dans une optique, dans un premier temps, voulue par Bolivar et autres “libérateurs”, patriotique et libérale.
Simon Bolivar, figure un peu “paolique”, ainsi sera le père de l’indépendance du Pérou, de la Colombie, de la Bolivie, du Panama, du Venezuela, ces trois derniers réunis par ses soins au sein d’une grande république unitaire appelé la “Gran Colombia”, l’héritage politique de Bolivar est donc un bloc fondamental de la vision sud américaine de la Cité.
Leader pragmatique à la fois libéral et parfois autoritaire, Simon Bolivar ne peut être réduit dans un cadran unique du spectre politique, ayant écrit son histoire avant la formation définitive des idéologies de “droite” et de “gauche”.
Mais, ce qu’a retenu du Bolivarisme dans la constitution de l’idéologie de Chavez et de Maduro dans leur révolution “bolivarianiste” au Venézuela est avant tout l’idée du pan-américanisme (idée de réunir dans un même but et une même vision les nations latino-américaines) et une vision portée vers l’idée d’autarcie et de logique décoloniale d’un nationalisme dit “de gauche”.
Si en Europe le “nationalisme” (pour résumer l’idée selon lequel la nation est la racine du fait politique) est une composante du conservatisme (bien qu’une telle idée a pu être aussi confisquée par des groupes révolutionnaires et impérialistes trahissant les idées de tradition et de liberté propres au conservatisme) . Or, en Amérique du Sud, la nation est quelque chose de plus récent, quelque chose qui ne porte pas le fardeau d’un héritage de millénaire commun mais qui est plutôt, au contraire, porteur d’une espérance d’un nouveau monde à bâtir loin des ruines de l’ancien, rendant favorable une autre forme de nationalisme séparé du conservatisme sur l’idée, non pas de la transmission, mais de la création (d’autant plus que dans l’histoire sud américaine les “conservateurs” furent ceux qui étaient attachés aux choses reliant ces nouvelles nations à l’ancien monde, comme l’Eglise ou même directement la vieille couronne d’Espagne).
Ainsi, dans le Bolivarisme originel, nous pouvons trouver l’idée selon laquelle la nouvelle Amérique du Sud indépendante se doit de se construire de façon autonome et autarcique face au vieux monde européen pour finir de se dégager du joug colonial et construire un nouvel avenir.
C’est ainsi cette logique et cette symbolique qu’a repris initialement Chavez pour sa révolution, s'arrogeant ainsi l’héritage d’une figure nationale et révolutionnaire, qui, par ailleurs, ne peut aucunement se réduire à un carcan idéologique fermé.
C’est donc cet aspect de Simon Bolivar qui a été pris par le régime venezuelien pour l’agrémenter de socialisme et d’une certaine vision marxiste.
Le Socialisme tel que pratiqué au Venezuela est un socialisme se voulant être celui du XXIème siècle, qui n’est qu’un nom de code pour signifier une vision économique proche de celle du communisme orthodoxe post-stalinien, se fondant sur une maximisation de la redistribution, de l’intervention de l’état, sur la présence d’un parti révolutionnaire d’avant garde (bien que que non institutionnel, au Venezuela, le Parti Socialiste Unifié a une domination écrasante sur la politique nationale mais n’est officiellement pas le parti unique), mais aussi par la présence persistante, bien que de façon très contrôlée et taxée, d’un léger secteur privé survivant tant bien que mal dans l’océan des nationalisations et de l'étatisation de l’économie.
Cette vision du socialisme “réformé”, mais non social-démocrate, se fonde sur une critique du “néo-libéralisme”, ogre anti-social qui reste à définir clairement tant on trouve des explications polymorphes derrière le terme.
Ce socialisme sud américain du XXIème siècle se veut plus adapté aux conditions spéciales de l’Amérique du Sud avec sa pauvreté endémique mais aussi des aspects culturels et sociaux liés à l’héritage de la colonisation espagnole se référant plutôt aux anciennes civilisations précolombiennes idéalisées par rapport aux sociétés coloniales.
Ainsi, si de façon plus évidente que dans certaines dictatures d'extrême gauche précédentes, la figure de l’homme fort sud-américain, caudillo de gauche, qui gouverne de façon autocratique via référendum (souvent truqué) et avec les dirigeants parlant souvent à la TV (entièrement contrôlée par l’état) pour faire part des avancées de leur révolution.
Mais, dans les spécificités de l’application économique de ce “socialisme du XXIème siècle” nous retrouvons aussi à travers la création dans le cadre du Venezuela de conseils économiques locaux très puissants, de façon analogue au socialisme sovietique “traditionnel” mais trouvant une nouvelle expression dans ce contexte “boliviarianiste” appelé justement “mission bolivarienne”.
Ainsi, en pratique, le chavisme-madurisme “bolivarianiste” ressemble tout de même beaucoup à des dictatures d'antan, d'extrême gauche via le contrôle de l’économie, l’autoritarisme et le culte de la personnalité mais aussi une forme de corruption au service du régime.
Ainsi les “missions bolivariennes”, loin d’être l’outil formidable pour lutter contre la pauvreté, est avant tout un outil utilisé pour distribuer bons et mauvais points en fonction de l’attitude apportée au parti dans une sorte de version moins technologique et plus corrompue du système de crédit social du communisme à la chinoise.
L’arrivée au pouvoir initiale d’Hugo Chavez et l’enthousiasme d’une part de l’opinion favorable à son idéologie est ainsi le point de départ d’un tournant très à gauche du continent sud américain appelé la “maréa rossa” (avec le Vénézuela allant toujours plus loin que ses voisins) auquel nous revenons aujourd’hui avec la vague conservato-libertarienne que portent Javier Milei ou Naybe Bukele (avec une nuance d’autoritarisme chez ce dernier qui se qualifie de “dictateur cool”).
Cette vision “altermondialiste” et socialiste a aussi traversé les frontières du continent, servant de source d’inspiration à de nombreux partis de gauche radicale en perte de repères depuis la chute de l’URSS, notamment en ce qui concerne l’idée de blocage des prix en dépit de la terrible inflation qui frappa les habitants du Venezuela en conséquence.
Le pétrole est au cœur de la stratégie de survie du Venezuela, tant au niveau économique où la dépendance est profonde, que du point de vue des relations internationales où il constitue sa principale assurance de soutien de la part d’autres États mis au ban du système international.
Le Vénézuela a les plus grandes réserves de pétrole du monde, bien que n’étant pas le plus facile ni économique à extraire, l’exportant en tant que membre de l’Opep, au profit d’une industrie nationalisée entièrement, via PDVSA, et ayant une part écrasante de son budget financée par ce même pétrole (jusqu à ⅔).
Cette dépendance extrême au pétrole est ce qui explique l’attitude impérialiste du Venezuela envers son voisin le Guyana et sa région de l'Essequibo, dans une série d'événements ayant rapidement quitté le radar médiatique mais qui mériterait une analyse plus approfondie.
A l’international, ce régime “anti-impérialiste” se rapproche de l’Iran, de la Russie, de la Corée du Nord et de Cuba dans une opposition aux Etats-Unis liée autant à des raisons purement idéologiques qu'à l'embargo qu’ils ont placé contre le régime maduriste.
En dépit des milliers de kilomètres séparant les deux nations, et en dépit de l'absence d'intérêt énergétique ou financier dans la région, le Venezuela, porté par cette idéologie maduriste, est aussi fermement “antisioniste” et hostile à l'état d'Israël, position qui pourrait éventuellement être “justifiable” si dans la même phrase n’était pas dénoncée par Maduro, la finance associée directement aux “sionistes” dans les causes des malheurs de la République Bolivarienne.
Le discours anti impérialiste et colonial est, en fait, comme souvent, surtout une façon d’exprimer une orientation altermondialiste opposée au bloc américano-otanien autant qu’aux règles classiques du multilatéralisme dans des alliances englobant tous les adversaires déclarés des États-Unis, sans véritable objectif précis autre que contester de façon apparente l’ordre établi.
En conclusion, les idées qui animent aujourd’hui le Venezuela en proie aux troubles sont encore un signe de la nature très expérimentale de la politique sud américaine.
S’aventurant à la suite de Chavez et ses successeurs dans une voie résolument marxiste au début des années 2000 avec la maréa rossa, le même continent voit le premier gouvernement libertarien s’établir des années plus tard avec Javier Milei.
Le Venezuela néanmoins ne s’est pas encore relevé de cette expérience malheureuse du socialisme du XXIème siècle et tous espoirs de croissance et de sortie de la pauvreté ont été annihilés par les rêve “bolivarien” de Chavez puis Maduro, passant du statut de troisième pays le plus riche des amériques à un cas d’école d’économie faillie, en dépit de la manne pétrolière qui aurait pu et aurait dû apporter à cette nation une véritable chance d’accomplir des rêves véritablement bolivariens d’autosuffisance et de liberté pour tous.
Sources :
revue-outre-terre2-2015-2-page-177.htm
https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/plus-de-reserves-de-petrole-ne-regleront-pas-les-problemes-du-venezuela-985178.html
https://www.cfr.org/backgrounder/venezuela-crisis
https://www.opec.org/opec_web/en/about_us/171.htm
https://en.wikipedia.org/wiki/PDVSA
https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/plus-de-reserves-de-petrole-ne-regleront-pas-les-problemes-du-venezuela-985178.html
https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/VE/situation-economique-du-venezuela
https://www.latribune.fr/economie/international/venezuela-comment-la-decennie-maduro-a-fait-s-ecrouler-la-production-de-petrole-1003794.html
https://www.lefigaro.fr/matieres-premieres/2011/07/20/04012-20110720ARTFIG00559-le-venezuela-possede-plus-de-petrole-que-l-arabie-saoudite.php
https://www.lefigaro.fr/conjoncture/le-venezuela-gorge-de-petrole-augmente-le-prix-de-l-essence-20200531
https://www.challenges.fr/entreprise/venezuela-une-economie-naufragee-ultra-dependante-au-petrole_24050
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